Le coronavirus a-t-il tué les courses à saucisson ?

Il y a de cela bientôt 3 ans, nous écrivions un manifeste appelant à arrêter de glorifier « les courses à saucisson » (NDLR : … qui ont souvent l’honneur des pages sport et des photos couleur des quotidiens locaux) au détriment des compétitions d’athlétisme « sur piste » voire des cross. 

Nous avions à l’époque suscité une vive polémique, nous accusant d’être trop élitistes et de vilipender gratuitement les courses « hors stade » en comparant ce qui n’était pas comparable. Pour remettre les choses dans leur contexte et le rappeler une nouvelle fois : loin de nous l’idée  de critiquer un type d’épreuve, quel qu’il soit. Toutes les disciplines et tous les coureurs méritent les honneurs. D’ailleurs l’appellation « course à saucisson » n’est absolument pas une moquerie : il ne faut pas y voir de connotation péjorative de notre part, au contraire. C’est un terme affectif que nous utilisons entre nous et nous adorons justement ces courses, où l’ambiance est toujours au rendez-vous et où le public est nombreux. 

Nous trouvions simplement injuste à l’époque que certaines courses (sur piste en particulier), pourtant d’un niveau très relevé, ne bénéficient pas de la même couverture médiatique et du même engouement de la part des gens. C’était d’ailleurs une des raisons d’être du TRC : démocratiser l’athlétisme auprès du grand public. Cela passe par le rendre plus « fun », plus ludique, plus abordable, moins austère. Cela passe aussi par l’éducation du grand public sur les performances. Bref, c’est la mission que nous nous sommes fixés.

Mais aujourd’hui, la situation a changé. 

Depuis la crise de la Covid (NDLR : ça fait vraiment chier de ne plus dire le Covid, on était habitué), les annulations s’enchaînent les unes après les autres. Et si l’on y regarde de plus près, on se rend compte que l’écrasante majorité des courses concernées par ces annulations sont les courses hors-stade. 

D’où notre réflexion : le coronavirus a-t-il tué les courses à saucisson ? (NDLR : désolé pour le titre putaclic mais la formulation claquait)

Nous espérons sincèrement que ce n’est pas le cas. Il faut sauver le soldat saucisson.

Des courses annulées et des records du monde

Bien sûr, comme en témoigne les photos illustrant cet article, TOUTES les courses sur route n’ont pas été annulées en 2020 (et heureusement !). Récemment, deux hauts dignitaires du Tempo Run Club ont d’ailleurs pu s’illustrer sur des 10KM route : Maël Sicot notamment, ainsi que Yakoub Delhoum, récent vainqueur aux foulées de la Saint Denis (NDLR : un nom qui sent bon la course du terroir

Masque sur le nez au départ (NDLR : des images incroyables, qui aurait cru voir ça un jour), streaks 7 aux pieds, Yakoub s’est ainsi élancé, tout de TRC vêtu, vers une victoire qui a ravi ses fans venus en nombre supporter leur monarque. Mais cette image s’est faite bien trop rare cette année. 

Imaginez un seuillard qui se réveillerait d’un coma d’un an et qui verrait ça : il replonge direct

Alors qu’on a vu tout l’été et tout ce début d’automne de nombreux élites battre leurs records de toutes parts, nous autres, coureurs lambdas, avons été privés de notre petit plaisir coupable de courir des 10 bornes en descente (1 min de silence pour le Taulé-Morlaix svp). 

Mais diantre, comment ferons-nous maintenant pour frimer à la machine café du boulot en disant qu’on a fini 135ème SUR 750 ? Comment justifierons-nous nos 6 entraînements hebdomadaires ? Comment ferons-nous pour faire croire à la populace non athlétique que nous sommes BONS ? Les courses à saucisson réduites à peau de chagrin, c’est tout un écosystème qui menace de s’écrouler. Et au delà de la blague, c’est véritablement de la survie de l’athlé dont il s’agit.

Ce genre de babines, ça nous avait manqué

Les courses à saucisson : un vivier pour l’athlétisme 

Il y a 3 ans nous nous plaignions du peu d’intérêt accordé par la presse aux courses d’athlétisme « FFA » : nous pointions du doigt le fait que les cross et la piste en particulier ne bénéficiaient que d’une faible couverture médiatique alors même que les performances réalisées méritent qu’on s’y attarde. Les choses ont quelque peu évolué depuis. On en est toujours pas à une diffusion en prime time de la Diamond League mais il faut saluer les efforts qui ont pu être réalisés : le meeting de Marseille et les championnats de France Elite diffusés en clair sur la chaîne L’Équipe, c’est quand même un vrai pas en avant.

Mais pour cela, il faut aussi permettre la démocratisation de sa pratique. Et quoiqu’on en dise, cela passe par les « courses à saucisson ». 

À une course à saucisson, on lappe sans vergogne car ce qui compte vraiment c’est la TRACE Strava

En effet, beaucoup démarrent la course à pied par ces « compétitions ». La course « mcdo » ou « Décathlon » (NDLR : aucun placement produit n’a été réalisé dans cet article) avec des clowns qui courent devant une foule de gamins en furie avec une ficelle pour les empêcher d’en mettre partout trop rapidement, ça ne vous rappelle rien ? On serait prêt à parier que vous en avez fait au moins une étant gamin. 

Et plus âgé, ne vous êtes-vous jamais à un moment passionné pour le 5 ou le 10km de votre ville ? Ne connaissez-vous pas un type de votre club qui a pris une licence après avoir performé à une de ces courses ? 

Avec les cross scolaires, ces courses sont un véritable vivier. Nombreux sont le seuillards qui prennent une licence en club après avoir pris du plaisir en ayant accroché un dossard, un peu par hasard, à l’une de ces courses. 

Sans elles, le danger est de voir de nombreuses personnes ne jamais trouver le chemin d’une piste en tartan… Pire : le risque est que des coureurs ne reprennent pas de licence suite à l’annulation de ces compétitions. On le voit déjà…

Des courses qui font vivre les clubs

Un point à ne pas négliger est l’importance de ces courses pour les structures associatives. De nombreux clubs d’athlétisme vivent en effet en partie grâce à l’organisation de ces courses, qui représentent non seulement une visibilité mais aussi un gain financier. Buvette, inscriptions, goodies… Tout le « merchandising » (si tant est qu’on puisse employer ces terme) annexe à ces courses fait souvent le bonheur du trésorier du club. Et si la course est annulée, c’est un manque à gagner évident pour certaines associations… Qui se retrouvent en péril.

Moins de nouveaux licenciés, moins de rentrées de trésorerie, moins de visibilité… Si la situation perdure, il se peut que des clubs aussi ne survivent pas à la crise de la COVID. Or, nous n’aurons jamais de cesse de rappeler que les clubs sont le ciment de notre sport. S’ils sont fragilisés c’est notre sport tout entier qui l’est.

L’athlétisme réservé à une Élite : tout ce qu’on ne veut pas.

Les courses sont désormais réservées aux licenciés ou aux Elites. Les meetings d’athlé sont presque les seuls à survivre car ils sont plus confidentiels. On ne s’en plaint pas, la Tempo Run League a été un franc succès. Mais on ne peut pas se limiter à notre propre petite personne. On l’a dit plus haut, on commence rarement la course à pied par un 800 avec un chrono d’engagement. 

L’athlé qu’on aime

Le marathon de Londres par exemple, réservé aux Elites, a été un des facteurs qui nous a poussés à rédiger ce papier. On ne critique absolument pas le fait que la course se soit tenue, au contraire. Juste, le fait que tout le monde ne puisse pas participer à une course qui est habituellement ouverte au grand public nous dérange. Il ne faudrait pas que ça perdure. On doit pouvoir permettre à tout Richard Seuillard moyen voulant mettre un dossard de pouvoir le faire. Certes, il est évident que le contexte sanitaire fait que nous n’avons sans doute pas d’autre choix que de procéder ainsi… On en est conscient. Mais on s’inquiète juste pour la suite. Si cette situation dure trop longtemps : disposera-t-on des ressources nécessaires pour ré-organiser des courses populaires ? Les organisateurs qui en ont tant bavé auront-ils envie de retourner au charbon ? Les seuillards qui se sont tapés 3 prépas marathon pour rien auront-ils le courage de repartir pour une 4ème ? Ceux qui, dégoutés de voir les courses s’annuler en cascade, ont préféré céder à l’appel du canapé se décolleront-ils du divan ? 

Nous, on restera passionnés quoiqu’il arrive et dès qu’on pourra on organisera d’autres compétitions. Le 4×1000 et la Tempo Run League ont été un kif total et on ne va pas s’arrêter là. Mais au vu de la situation il va quand même falloir sérieusement réfléchir à un moyen de continuer  à faire du sport de compétition malgré le virus. Et ce, en permettant à tous ceux qui le souhaitent d’y avoir accès.

Le TRC